A première vue, les deux visions paraissent différentes. L’une est tournée vers le court terme, l’autre vers le moyen et long terme. En réalité, ce sont les deux facettes d’une même réalité, deux visions complémentaires.
In fine, l’investisseur professionnel en capital qui donne son accord en s’engageant à côté d’une entreprise, ouvre les vannes des crédits bancaires. Il apporte au-delà du capital financier, un capital humain, relationnel en un mot, un capital confiance.
Une entreprise dotée d’un bon niveau de fonds propres trouve toujours un financement bancaire.
Le crédit, c’est avant tout de la confiance.
Le banquier fait office du commerce de l’argent.
Les opérations de banque relèvent du monopole bancaire. De ce fait, il est interdit à toute personne,autre qu’un établissement de crédit d’octroyer des prêts à titre onéreux. Toute personne qui méconnaît cette règle encourt une sanction1 pour l’exercice illégal de la profession de banquier.
L’investisseur en capital prend le risque de perdre les fonds qu’il investit dans une entreprise. En contrepartie du risque, il espère retirer des dividendes, percevoir des plus-values, à la cession des titres financiers (actions).
Le banquier, consent un prêt à l’entreprise qui va rembourser à la fois le capital et les intérêts. L’investisseur prend le risque de perdre sa mise, en cas de mauvaise fortune. Quant au banquier, il va couvrir le risque résiduel par un gage, c’est-à-dire une garantie, une sûreté réelle ou très souvent, une caution personnelle du dirigeant.
Par ailleurs, la perspective du banquier couvre le court terme, tandis que l’investisseur se projette sur le moyen et long terme.
En tout état de cause, le banquier comme l’investisseur vont analyser les risques avant de s’engager dans le temps. Les deux vont analyser le patrimoine de l’entreprise (bilan), à partir des liasses fiscales (bilan, compte de résultat, les annexes) sur les 3 dernières années.
Notre expérience nous montre que le banquier va s’attarder sur le bas de bilan, tandis que l’investisseur va scruter le haut de bilan.
Avant d’accorder sa confiance à l’entreprise, le banquier va étudier à la loupe les critères de solvabilité et de liquidité. Les critères essentiels se résument comme suit :
L’endettement et la capacité de remboursement, l’actif réalisable (stocks et créances clients) vs les dettes exigibles (dettes fournisseurs), la rotation de l’actif réalisable, l’analyse des flux de trésorerie.
En définitive, plus l’entreprise dispose d’une bonne capacité de remboursement, plus elle est liquide à très court terme, elle va alors bénéficier de la confiance du banquier, donc du crédit.
A l’opposé, l’investisseur en capital va ausculter la solidité financière, selon ses propres critères, avant de contracter son alliance avec l’entreprise, pour le meilleur ou le pire !
D’abord, il va porter son regard sur l’équilibre financier. Il va se poser la question, dans quelles mesures les ressources stables couvrent les emplois stables (durables). L’investisseur va passer à la loupe le gearing, c’est-à-dire le ratio capitaux propres (CP) par rapport aux capitaux empruntés (CE) c’est-à-dire la dette financière (CP / CE). Selon l’orthodoxie financière, les capitaux propres doivent couvrir les capitaux empruntés, de préférence les capitaux empruntés doivent être égaux au moins à la moitié des capitaux propres (CP >½ CE).
La contrepartie du risque est la rentabilité. L’investisseur passera au peigne fin les principales rentabilités de l’entreprise, en occurrence la rentabilité économique et la rentabilité financière.
D’abord, il va se poser la question de savoir si le niveau du ROCE (Return on Capital Employed) ou le taux de rentabilité économique est assez élevé, en tenant compte de la fiscalité2.
Ensuite, il va s’intéresser à la rentabilité financière des capitaux propres. Est-ce que le ROE (Return on Equity) est assez élevé pour réaliser un tel investissement. Autrement dit, en mettant un euro, combien vais-je en retirer en retour ? Quel sera mon ROI ? (Return On Investment).
Voici la règle fondamentale, en matière de finance d’entreprise. Pour qu’il y ait création de valeur, il faudrait une rentabilité économique (ROCE) suffisante pour couvrir le coût du financement exigé par les créanciers et le coût du capital, exigé par les actionnaires.
Enfin, le taux de rendement interne (TRI) sera le critère prépondérant pour un investisseur en capital. En tenant compte du coût du capital, du taux d’actualisation, en faisant une projection à sept ans par exemple, il va se demander combien il peut espérer en retirer. Autrement dit, quelle est la rentabilité intrinsèque de son investissement. Avouons que généralement, le TRI visé est à deux chiffres, supérieur à 15% – 20%. A défaut, il s’abstiendra d’y aller.
Quelles conclusions partielles pouvons-nous tirer à ce stade ?
Le banquier a une vision courtermiste, les yeux rivés sur la solvabilité, la liquidité (la trésorerie) ici et maintenant, le pied posé sur un gage, d’où le banquier surnommé prêteur sur gage.
L’investisseur en capital prend le risque très calculé, en contrepartie de la rentabilité à la fois économique et financière. Il a une vision purement capitalistique.
L’investisseur en capital, connaissant l’art de la finance, sait par expérience, que plus le risque est élevé, plus la rentabilité est aussi élevée. Pour ce faire, il va cartographier les principaux risques, pour les prendre ou pas, en connaissance de cause.
Cela dit, quelle est en définitive la convergence ou la complémentarité de ces deux visions ?
Notre expérience terrain nous montre qu’in fine, l’investisseur professionnel en capital qui donne un feu vert en s’engageant à côté d’une entreprise, ouvre les vannes des crédits bancaires. Il apporte au-delà du capital financier, un capital humain, relationnel en un mot, un capital confiance. De ce fait, l’entreprise améliore sa capacité d’emprunt, son taux d’endettement, les covenants bancaires. Il prépare le terrain, facilite la tâche du banquier, qui fait davantage confiance à l’entreprise. Comme on le sait, le crédit, c’est avant tout de la confiance.
Dès lors que l’entreprise renforce son niveau de fonds propres, elle se muscle financièrement, elle dispose d’un matelas financier confortable pour amortir les chocs conjoncturels, les crises éventuelles. C’est une bouée d’oxygène supplémentaire pour l’entreprise.
En comparant l’entreprise à un véhicule, plus le moteur du véhicule est puissant, solide, robuste, plus le pilote peut espérer aller loin, voyager en toute sérénité.
Les visions du banquier et de l’investisseur en capital sont complémentaires. En effet, le court terme et le long terme sont intimement liés, les deux visions sont interdépendantes. En réalité, les deux façons de voir font un, c’est-à-dire constituent l’unité, ce sont deux facettes différentes d’une même réalité.
En tout état de cause, une entreprise dotée d’un bon niveau de fonds propres trouve toujours un financement bancaire. Le hic, c’est que les TPE, PME-PMI françaises sont structurellement sous capitalisées. C’est là que le bât blesse !
Georges AJAVON
Consultant financier, Leveur de fonds pour ETI, PMI-PME
Dirigeant opérationnel chez ADG Finance
Contact : georges.ajavon@adg-finance.fr